Samedi 09 mars 2024. 8h00 du matin. Une armée de Mongols rugit dans mon crâne. Des milliers de tambours cognent sur mes tempes. Où suis-je ? Un vague souvenir d'une bouteille d'eau qui sent la pomme, de quelques dizaines de personnes des quatre horizons qui se mettent étrangement à parler népalais couramment... Oui, cela me revient : hier soir, les Autrichiens nous ont traîtreusement assommé à coup de Schnaps maison. Ouille, ça fait mal. La journée sera belle !
Aujourd'hui, c'est le dernier jour du festival. Tous les groupes ont rendez-vous dans le hall du Yellow Pagoda Hotel de Katmandou à 11h00 du matin. Nous nous rendrons en autocar vers le nord de la ville, pour une longue parade suivie d'un dernier spectacle sur le site de la Laligurans National Academy.
Nous descendons des bus sur les berges du Bishnumati, petite rivière qui traverse la ville en provenance du nord et qui se jette dans le Bagmati, une plus large rivière qui traverse également la capitale népalaise avant de rejoindre l'Inde plus au sud. Là, elle se jettera dans le Kosi, qui lui-même alimentera ... le Gange. Ce fleuve se perdra dans l'Océan Indien au niveau du Bangladesh. En voyant le niveau de pollution déjà désastreux et l'odeur âcre qui se dégage de ce petit bout de rivière naissante, je n'ose imaginer son état plus en aval.
Le cortège se forme, les groupes internationaux étant encadrés par des groupes locaux. Le son des tambours résonne dans mon crâne comme le décollage de dix fusées lunaires. Je pense au Schnaps ravageur, et me console en me disant que nous sommes nombreux ce matin à souffrir le martyr !
Nous nous enfonçons dans les rues et ruelles, le long des rues commerçantes et des zones plus résidentielles. Ce quartier est plus défavorisé encore, on voit bien que nous sommes loin du centre-ville, mais toujours ces centaines de visages souriants au passage de l'improbable cortège.
La parade nous amène sur un point plus élevé. La vue sur la ville est impressionnante. Des maisons en construction, des chantiers de-ci de-là et de nombreux jardins. Toujours ces lopins de terre un peu partout qui respirent le soin attentif de leurs cultivateurs. Quand on plante et qu'on attend une récolte, on a foi en l'avenir. Quand on a foi en l'avenir, ce n'est pas la misère. Les paroles de Fred font sens.
À chaque carrefour, par dessus chaque poteau, ces milliers de câbles électriques enchevêtrés font de la poésie urbaine, comme l'anarchie chantée par Léo Ferré, un joyeux bordel câblé qui parfois s'embrase. Les incendies sont légion paraît-il.
Le cortège est à nouveau très long. J'adore personnellement le fait de nous faire passer par un maximum de quartiers différents. Les locaux semblent grandement apprécier !
Sur des bancs, des dizaines de goblets en plastique nous attendent, joyeusement tendues par de solides mains et des sourires puissants. Il s'agit d'une sorte de bière de riz, je ne suis pas sûr d'avoir compris. Il fait chaud, j'en bois une. De l'amertume et pas vraiment de bulles, mais c'est bon !
Nous nous approchons finalement de la Laligurans National Academy. Des centaines d'enfants, en tenues traditionnelles, nous saluent d'un éclatant "Welcome in Nepal", mains jointes. L'entrée sur le site même du spectacle est rapide, la transition fulgurante. Nous passons de la rue à une immense cour intérieure, où nous attendent une scène sur-élevée et au moins un millier de spectateurs, la plupart assis sous de grands voiles colorés qui les protègent du soleil. Nous passons par la scène, saluons le public qui applaudit très chaudement, et nous sommes guidés vers le backstage, où des sièges et des bouteilles d'eau nous attendent.
Très rapidement, les Alfers sont appelés à se lever pour se rendre à un jet de pierre du site, dans une école primaire et secondaire. Nous sommes introduit dans une petite pièce, sans doute une salle de cours. Devant la porte, un drapeau belge croise un drapeau népalais. Sur les murs, à l'intérieur, de nombreux dessins montrent comment l'imaginaire des enfants du coin se représente la Belgique et ses habitants. C'est, comment dire, très poétique :) . Quelques danses et chants nous sont présentés, par des élèves que l'on sent très amusés et intrigués par l'événement. Petite collation d'accueil (un yaourt de lait de Yak je pense), échange de cadeaux, photos officielles. Cet accueil est une fois de plus profondément chaleureux. Nous ressortons. Dans la cour, de nombreuses maquettes, construites par les enfants de l'école, représentent diverses formes d'habitats népalais et du monde entier. À nouveau, cette expérience me rappelle que la fonction première de ce merveilleux festival est d'ouvrir les népalaises et les népalais, jeunes et moins jeunes, aux cultures du monde entier.
Pendant que les groupes présentent leur spectacle les uns après les autres, d'autres sont invités par tournante à aller prendre le repas dans une salle voisine. Encore et toujours ces excellents buffets de cuisine locale. Du riz blanc, des pâtes aux légumes, du poisson grillé, des pois, pois chiche, lentilles, haricots, concombres, tomates, céleri rave, Dal Bhat, agneau grillé, le tout fortement piquant et épicé . La nourriture népalaise est un régal pour mon palais !
La scène est petite et basse. Les Alfers doivent à nouveau réduire leur prestation, pour qu'elle rentre dans ce cadre réduit. Et à nouveau je sens un public conquis par l'originalité du spectacle des namurois.
Il n'y a bien entendu aucune compétition entre les groupes, ce n'est pas l'objet de ce festival. Tous les spectacles donnés sont de très haut niveau, chaque groupe folkorique invité propose des représentations belles et originales, professionnelles.
Dans les backstages, qui communiquent avec l'espace dédié au public, l'ambiance vire de plus en plus aux rencontres interculturelles souriantes, aux échanges de numéros WhatsApp, aux selfies intercontinentaux. J'aime.
Le dernier spectacle du 12ème International Folk Festival Nepal annonce une dernière danse collective sur la scène, improvisée, bordélique et joyeuse. Des derniers échanges officiels de cadeaux sur la scène, et le signal du départ vers les autocars est donné. Il est près de 18 heures, la nuit va bientôt tomber.
Nous marchons à nouveau dans ces ruelles poussiéreuses, où se pressent scooters, motos et autres véhiculent qui crachent un air malsain. J'observe des enfants qui jouent dans le lit souillé de la rivière, les détritus qui jonchent les berges, le ballet des camions, des marchandises chargées ou déchargées. Je m'interroge sur le contraste entre les scènes de cette rue et celle sur laquelle dansaient des centaines d'étrangers insouciants quelques minutes plus tôt. Puis, je me rappelle que ce festival a fait rire, sourire et danser des milliers de népalais en une semaine. Et c'est beau.
Hôtel Yellow Pagoda, 20h. Tous les groupes internationaux sont une dernière fois rassemblés dans une grande salle. La cérémonie de clôture sera à l'image du reste du Festival : joyeuse, festive, où les groupes se mélangent, boivent, mangent et dansent ensemble. Les Autrichiens veulent mettre tout le monde d'accord en préparant des Whisky-coca, les derniers numéros de téléphone s'échangent, nous distribuons du chocolat aux nouveaux amis du Népal et de tant d'autres pays. On se donne RDV pour des prochaines éditions du festival. Tout le monde est un peu triste d'être arrivé au terme de cette aventure, mais tout le monde est heureux d'avoir pu y participer !
Demain, une grande partie des groupes rentreront chez eux. Les Alfers pourront par contre bénéficier encore de cette journée pour savourer Katmandou, ils ne repartiront que lundi matin.
La soirée se termine dans notre QG du rez-de-chaussée de l'hôtel. Ce soir, nous allons déguster des rhums et whiskies népalais. Et refaire le monde, entre belges, polonais et népalais. Ce soir, nous nous coucherons tard.
BONUS VIDEO (soyez indulgents, je ne suis que photographe et non vidéaste ;-) ) :
Vendredi 08 mars 2024. 8h00 du matin, Hôtel Yellow Pagoda, Katmandou.
Encore tout engourdi après une belle et reposante nuit, je contemple avec un profond étonnement la salle du repas, qui s'est muée en parking à scooters durant notre absence. Le bâtiment de l'hôtel est vaste, une grande salle située au premier étage était occupée les jours précédents par un autre événement, salle dans laquelle ... nous mangeons ce matin. Visiblement, il y a eu une sorte de détournement de l'usage du parking pour accueillir les repas des participants du festival. La capacité d'adaptation et de déploiements de plans B de ce peuple est décidément impressionnante ! Cela me rappelle que j'ai hâte de me plonger dans des études sociologiques sérieuses sur le Népal, car, comme à chaque fois que je passe du temps dans un nouveau pays, à rencontrer sa population, il me reste l'impression que je ne comprends strictement rien à ce que je vois !
Ce matin est libre, j'en profite pour reprendre des forces. Ce festival est un régal humain, mais éreintant physiquement. Nous venons après tout de faire 1000 bornes dans un vieil autocar aux amortisseurs et suspensions raides comme un coup de trique, en plus de 50 heures de route, et ce en 5 jours. Pas mal dans un pays dont l'état des routes inspire des reportages et documentaires comme "Les Routes de l'impossible"...
Certains Alfers se reposent aussi, d'autres vont faire un peu de tourisme.
Cet après-midi est prévue une parade de l'ensemble des groupes internationaux dans Durbar Square, le mythique quartier qui abrite le palais royal de l'ancienne dynastie Malla et de nombreux temples. Situé dans le touristique quartier Thamel, ce quartier est découpé entre Basantapur Square, qui accueillait auparavant les éléphants royaux, Durbar Square où se situent le palais royal et la plupart des temples, et Makhan Tole qui recèle de plus petits temples. C'est un lieu profondément exotique pour un regard occidental, où l'architecture de bois et de pierre dévoile des trésors de raffinement et d'audace. Beaucoup de ces bâtiments, à la valeur historique et architecturale inestimable, qui veillent sur Katmandou depuis des siècles, ont été fortement abîmés voire détruits par le terrible et meurtrier séisme de 2015. Ils ont été entretemps, pour la plupart, restaurés ou reconstruits.
Sous des rythmes qui varient en fonction des percussions qui accompagnent certains groupes, le cortège se mélange aux habitants, aux passants, aux touristes dans les étroites et millénaires ruelles de Thamel, où chaque rez-de-chaussée est un commerce. Chaque rue ou quartier semble avoir ses propres spécialités, vêtements, épices, thés, métaux forgés et manufacturés, bien que l'on trouve un peu de tout un peu partout dans cette partie de la ville. Et toujours ces visages rayonnants, ces sourires, ces centaines de mains qui vous saluent et qui vous filment de leur smartphone. À nouveau, je me dis que c'est décidément un très bon moment que nous sommes en train de vivre !
Nous passons devant l'ancien palais royal, devant des temples, des pagodes aux multiples étages de bois sculptés finements, devant des statues de pierres, des dieux, des démons, des idoles. Mais nous n'avons pas l'occasion de les admirer pleinement, toute l'attention étant portée sur ce cortège un peu fou qui serpente dans la foule.
Sur la place de Basantapur Dabali, devant le palais royal Gaddi Baithak, écrin néo-classique de pierres blanches qui contraste au milieu des teintes boisées des autres bâtiments environnants , les Alfers trouvent enfin suffisamment de place et d'espace que pour lancer les drapeaux. La foule glousse, apprécie, applaudit.
Nous entrons dans une dernière rue étroite, qui débouche sur une minuscule place, où trône une scène de taille réduite et des centaines de chaises en plastique. Le spectacle se tiendra ici.
Je n'en ai absolument aucune conscience à ce moment-là, mais nous sommes en plein dans la Freak Street, la "rue des marginaux", vers laquelle convergeaient les hippies de la fin des années 60 et des années 70, issus du monde entier, en quête de nirvana et de béatitude épicée au cannabis, alors en vente libre et légale au Népal. Il s'agit du plus gros fail, du plus bête raté de mon reportage : n'ayant aucune conscience de l'importance historique du lieu où je me trouve, et l'attention absorbée par le spectacle et les spectateurs et spectatrices, par l'ambiance général, je n'ai pas remarqué et encore moins immortalisé les quelques souvenirs de cette "belle époque" encore présents sur certaines façades. Une bonne raison pour y retourner un jour !
Les groupes jouent à nouveau les uns après les autres, pour la plupart en "équipe réduite" en raison de la petite taille de la scène, mais sans sacrifier à la qualité de chaque prestation. Le niveau technique, que ce soit en danse, chorégraphie ou musical est décidément très élevé. Chaque groupe procure un réel spectacle de qualité. Le public qui se presse dans ce minuscule espace est aussi dense que chaleureux, apprécie l'instant et le manifeste à coup de cris, de rires, de sifflements et d'applaudissements.
Le show des Alfers est toujours autant apprécié. Marc, qui a repris un tout petit peu de forces dans sa lutte contre-virale, lance très haut et fort le drapeau belge, en évitant adroitement les fils électriques. Le public adore l'exercice !
Après le passage des Alfers, nous sommes conviés à aller prendre un repas dans un restaurant du coin. Encore un succulent buffet de spécialités népalaises, servi par une hyper heureuse et souriante troupe féminine. Trois hommes, la tête couverte d'une charlotte, passent la tête depuis la fenêtre de la cuisine, ils veulent s'assurer que nous apprécions leurs mets. Pour ma part, je me régale, même si je ne prends qu'un "petite" assiette, mon estomac n'étant pas encore totalement retapé de l'attaque virale. La Maison nous fait déguster un alcool népalais dont j'ai oublié le nom, qui a la saveur d'un saké, en plus fort. Servi dans une coupelle en terre cuite. Excellent !
Nous ne sommes qu'à quelques centaines de mètres de l'hôtel. Comme tout le monde est fatigué, nous rentrons avant la fin du spectacle, dans le crépuscule qui tombe en chute libre. Le groupe des Alfers se disperse sur le chemin du retour, au rythme de chacun. Marc et moi, qui fermions la marche, traînons je ne sais plus pour quelle raison et perdons les autres sur le chemin de l'hôtel. Nous connaissons le quartier maintenant, nous ne sommes pas perdus. Les badauds interpellent parfois Marc, mi-amusés, mi-étonnés (et re-mi-amusés derrière) : "Qui êtes-vous ? D'où venez-vous ? Pourquoi et quel est ce costume ?". Le décallage, le contraste est cocasse : je fais des photos.
Après un rapide débriefing et un court repos, direction notre QG : le bar de l'hôtel. Les groupes reviennent les uns après les autres du spectacle. Beaucoup ont la même idée que nous. J'invite les Autrichiens à se joindre à notre table, bientôt rejoints par des Allemands, Indiens, Polonais, Estoniens... Après plusieurs bières, un ami autrichien sort une bouteille d'eau en plastique. Par dessus, quelques lettres sont écrites en majuscules, au feutre noir, formant le mot Schnaps. Elle sera partagée le plus simplement du monde, se passant de main en main. Il me semble même que ces costauds montagnards en avaient amené plusieurs, les salopards. Cette terrible soirée du vendredi soir, avant-dernier jour du 12ème International Folk Festival Nepal, restera gravée dans de nombreuses mémoires, et sera la cause de quelques migraines le lendemain.
BONUS VIDEO (soyez indulgents, je ne suis que photographe et non vidéaste ;-) ) :
Mon 26ème reportage de mariage dans ce haut lieu du tourisme culturel wallon qu'est le Château de Lavaux-Sainte-Anne (oui, vingt-six mariages sur place !) aura lancé le début de la saison 2024.
La cérémonie civile s'est tenue dans la magnifique et très originale Maison des mariages de la ville de Namur, située sur le site de la Citadelle de Namur, où j'ai déjà eu le plaisir de réaliser plusieurs reportages également.
C'est un super couple que j'aurai eu le bonheur d'accompagner durant toute la journée et soirée. Un couple d'êtres humains qui n'ont pas oublié de le rester, et entourés d'amis et de familles qui respirent la sympathie et la gentillesse.
Quoi de mieux pour débuter la saison des mariages ? Et bien ... partager cet événement avec ma chère et tendre épouse, Marie-Laure, de l'excellent service traiteur L'Artisane Culinaire !
Nous n'avons pas souvent l'occasion de travailler ensemble, et c'est toujours un moment particulièrement savoureux, dans tous les sens du terme.
Julie et Florent voulaient un reportage à leur image : discret et simple, mais un brin déjanté, avec un photographe qui ne les sollicite pas toutes les 10 minutes pour faires des photos clichés. Un reportage brut, sans fioriture, à part quelques photos un peu folles, pour le plaisir.
Cela tombait bien, c'est comme cela que j'aime travailler : en me fondant dans les invités et en immortalisant ce qu'il se passe, et seulement prévoir une tranche de quelques minutes pour faire quelques photos qui se veulent un peu décalées et originales (uniquement si les mariés sont en phase avec l'idée).
Pendant la soirée dansante, je me suis installé dans une salle annexe (la Bergerie) pour réaliser des portraits des invités et des mariés. Il me semble que plus des trois-quart des invités sont passés successivement à ce studio mobile, l'ambiance était bonne !
Ce que vous voyez ici est le teaser, préparé et envoyé le lendemain du mariage aux jeunes mariés. Ce n'est pas un Best-of, juste un avant-goût du reportage final. Avant-goût un peu plus centré sur les mariés que ne le sera le reportage complet, qui lui reprendra beaucoup plus de scènes et de portraits des invités, pris sur le vif.
Merci encore à Julie et Florient de m'avoir accordé leur confiance en me confiant la lourde responsabilité d'immortaliser ces précieux souvenirs, et toutes mes félicitations pour ce joyeux mariage.
À bientôt pour la suite de cette année 2024 qui s'annonce à nouveau très remplie en reportages de mariages dans des lieux majestueux !!
Toutes ces photographies de mariage ont été réalisées avec des boitiers et optiques Sony.
