L’image du photographe moderne est entachée de préjugés plus ou moins faux. L’un des pires, à mes yeux, est qu’il faut absolument utiliser le matériel dernier cri et le plus cher qu’il soit pour pouvoir réaliser de bonnes photos.
Au sujet de cette affirmation, je dirais que le matériel « dernier cri » (un très bon appareil photo récent, de très bons objectifs modernes,...) aide beaucoup à la création d’un travail de qualité, mais il n'est pas toujours obligatoire.
Il est même possible d'utiliser du matériel construit il y a 20, 30 ou plus de quarante ans et d'en sortir de magnifiques photographies...

J’ai envie aujourd’hui de faire une petite entaille dans cette idée reçue et de vous présenter un des vieux objectifs que j’utilise parfois pour faire du portrait en extérieur, particulièrement en mariage. Nous allons parler du mythique Helios 44-3 (58mm de focale, F/2 pour les connaisseurs).



Kesako ?

Petit rappel historique.


L’Union Soviétique (vous savez, l’armée rouge, les vilains communistes, le goulag et le premier homme dans l’espace,…pour faire court) a longtemps produit des appareils photos et des optiques aussi robustes que qualitatifs. En partie, il s’agissait de créations originales, en partie de copies de matériel optique, généralement allemand.

L’objectif qui nous intéresse ici est une réplique du Biotar 58/2 de Carl Zeiss, copie réalisée par les firmes soviétique KMZ, MMZ, Jupiter, BeLomo, … et qui équipaient généralement les appareils photos argentiques de la marque Zenith. Des millions d’exemplaires en ont été construits entre 1958 et les années ‘90. Pour être précis, l’objectif le plus mythique de la série est le 44-2, mais celui que j’utilise est le 44-3, un peu plus récent et fabriqué en Bielorussie en 1990, mais qui reprend la même formule optique que le 44-2.



La caractéristique principale de cet objectif, et ce qui en fait une pièce recherchée par certains photographes, est … un défaut optique !



En effet, la formule optique orginale créée par Carl Zeiss induisait un défaut appelé « l’aberration de sphéricité ». Rassurez-vous, je ne vais pas vous donner un cours d’optique ! Retenez juste que ce défaut est devenu avec le temps une sorte de signature qui, bien utilisée, à pleine ouverture, peut donner des effets très classes. C’est ce qu’on appelle le Bokeh tournoyant (le Bokeh étant la transition entre les zones nettes et les zones floues d’une photo). Mis à part, ce défaut optique, le reste est de bonne facture (tout en métal) et de bonne qualité optique. L’image est très piquée (très nette) au centre et délivre un ensemble de qualité, qui n’a pas à rougir face à de nombreux culs de bouteilles actuels.

Bref, de très nombreux blogs et sites web décrivent la gamme de cet Helios et l’histoire de ce bokeh tournoyant en détail, je ne vais pas vous assommer plus avec ces points techniques et historiques.

Ce qui m’intéresse est surtout de vous en présenter l’usage.

Jugez par vous-même. Cette image, qui n’est certes pas d’un très grand intérêt artistique, montre ce fameux bokeh tournoyant, à travers les reflets du soleil sur la Meuse, en arrière-plan :



Pour ma part, je l’utilise pour certains portraits d’extérieurs en mariage, quand les conditions sont bonnes et sans en abuser (ça donnerait vite le tournis de ne faire que des photos dans ce style…). Je trouve l’ambiance qu’il dégage très chaude et onirique, idéale pour quelques photos de couple amoureux ! Et sans trucage !



C’est un vieil objectif à vis (M42), un adaptateur à 10€ permet de le relier à un reflex numérique moderne. Il faut alors gérer l’ensemble des réglages manuellement, à l’ancienne (mais c’est une excellente école pour les débutants…).



On peut trouver cet objectif d’occasion (e-bay ou ailleurs) pour la somme astronomique de … 25€ à 50 € !



Voilà un des secrets de certaines de mes photos vous est révélé !
Vous savez maintenant comment tenter l'expérience.


Toutes les photographies de ce billet sont réalisées par Pino Romeo (tous droits réservés).